Dans l’univers de… Christine Berrou (humoriste, auteur et comédienne)

La semaine dernière, je vous parlais d’une nouvelle rubrique interviews qui, je l’espère, donnera lieu à plein de belles rencontres pour moi, comme pour vous ! Celle qui l’inaugure s’appelle Christine Berrou.

J’ai rencontré Christine Berrou il y a 5 ans dans le cadre du boulot : elle avait intégré l’équipe de pigistes du magazine Sensuelle qu’une copine avait créé et auquel je collaborais. A l’époque, elle venait d’arriver à Paris et s’était investie dans le projet en mettant sa plume drôlissimie au service de chroniques un peu coquines et décalées. Depuis, cette trentenaire pétillante a changé de cap et fait son chemin dans le monde des humoristes. J’ai donc eu envie de l’interviewer pour qu’elle vous donne un aperçu de son univers.

 

MON PARCOURS

 « J’étais journaliste dans un hebdomadaire vendéen et, un matin de juin 2007, juste après le cyclone des présidentielles, je n’ai pas pu aller au bureau. J’étais bloquée. Anesthésiée. C’était comme si une force travaillait à l’intérieur de moi pour me faire comprendre que je n’étais pas à ma place. Je l’ai écoutée et en deux jours j’ai tout plaqué : mon bureau, mon salaire, ma sécurité. A aucun moment je n’ai eu peur, commencer ma vie de bohème a été un soulagement immédiat. Mais mon père, qui est scientifique, était mort de trouille. Il faut dire que dans les années 40, mes arrière grand-parents avait foutu un ami de ma grand-mère à la porte parce qu’il était comédien. C’était Jean Marais. J’aime bien cette anecdote, c’est un peu comme si je l’avais vengé.

Entamer une carrière artistique lorsque l’on ne connaît personne, c’est comme commencer un puzzle de 10.000 pièces. On ne sait pas par où commencer. Alors on fait ce qu’on peut et peu à peu, les premières pièces s’assemblent. On fait des rencontres, on gagne des concours. Un tremplin à Nantes m’a menée à mes premières scènes parisiennes, celles-ci m’ont offert mes premières programmations. En 2007, j’ai rencontré l’humoriste Nadia Roz. Elle me mettait toujours sur des chouettes plans boulots, m’aidait sur mes textes. Je me rappelle m’être dit « Tiens, elle est trop gentille pour être honnête celle-là ». Mais en fait c’était sa vraie personnalité, six ans après je m’en rends compte. En 2008, une petite blonde toute pimpante et pétillante faisait ma billetterie au Bout, Bérengère Krief. Je ne lui donnais pas beaucoup de boulot, j’avais en moyenne six spectateurs par soir ! La journée j’étais hôtesse chez Nespresso, le soir on allait au Pranzo, qui a fermé depuis. Sur scène il y avait Baptiste Lecaplain, Gaspard Proust, Arnaud Tsamère… Et pourtant parfois la salle était vide. C’était une tendre et délicieuse loose.

Y avait-il de la rivalité entre nous ? Non ou alors très peu. Juste ce qu’il faut pour un peu de mordant ! On est tous tellement différents. La plupart des boulots que j’ai obtenus, je les ai eus par des amis humoristes. Des gens comme Kyan Khojandi (le créateur et acteur de Bref, ndlr), Nawel Madani, Arsen ou Grégoire Dey qui m’ont fait travailler, progresser et menée là où je ne serais jamais allée seule. Mon premier vrai boulot d’humoriste, c’était en 2009, justement grâce à Kyan. On était auteur et chroniqueurs dans l’émission On achève bien l’info sur France 4. C’était une très bonne école : on était quatre humoristes mal payés (Kyan, Thomas Barbazan, Adrien Kamga et moi) et nous devions produire un contenu éditorial marrant chaque semaine. On faisait parfois des journées de 14 heures, ils m’ont énormément appris. Après l’arrêt de l’émission, enrichie de tout ce que j’avais observé, j’ai écrit mon livre « Ecrire un one-man show et monter sur scène » l’été 2010.  Cette année j’ai publié la suite : « Écrire une chronique ».  

Puis il y a eu le Mouv’ pendant un an et ma chronique de « La lettre d’amour à l’invité » qui avait le mérite de briser très vite la glace. J’ai vécu des moments extraordinaires : l’énorme Jacques Weber m’a serrée très fort dans ses bras, Cali m’a fait un petit bisous sur la bouche, Murray Head a chanté « Say it ain’t so » en direct et en me regardant droit dans les yeux. Je ne me suis jamais sentie aussi privilégiée de toute ma vie et chaque semaine était une nouvelle aventure.

Entre-temps, il y a eu le Connasse Comedy Club que l’on a créé en 2009 avec mes trois copines Nadia Roz, Anne-Sophie Girard et Bérengère Krief. On s’entendait si bien qu’on a eu envie de monter un spectacle ensemble. Et on l’a joué deux ans. En parallèle il y avait mes spectacles en solo. J’en suis à mon cinquième  : De l’importance de prendre de la hauteur  et je le joue depuis juin 2012. »

MON QUOTIDIEN

 « Je me lève à midi, en préparant mon café sacré je mets à jour mes réseaux sociaux. Je regarde l’actu et note quelques vannes pour les humoristes avec qui je travaille et que ça intéressera. Gérald Dahan par exemple me fait travailler en ce moment, l’aspect « imitation » est toute nouvelle pour moi mais ça ouvre plein de portes comiques.  L’après-midi, j’ai une vie sociale et le soir, si je ne joue pas, je vais au Club Med Gym à République. J’assume mes rondeurs mais paradoxalement, je déteste me sentir « molle». Je fais donc de la culture physique et j’enchaîne avec du yoga.

Quand je rentre, si je ne vais pas voir un spectacle, j’aime regarder des séries marrantes comme Community ou esthétisante comme Mad Men. J’adore lire aussi, en ce moment je suis sur « Gatsby » parce que je veux finir le livre avant d’aller voir le film. C’est important de se nourrir des œuvres des autres parce que c’est impossible de tourner à vide.

J’ai des idées de tweet au milieu de la nuit. Ma vie c’est mon métier et mon métier, c’est ma vie. Je suis très productive de minuit jusqu’à 5 heures du matin, un oiseau de nuit. J’ai essayé de bosser selon un rythme plus « normal », je ne faisais pas du bon travail. Et d’ailleurs, c’est quoi un rythme normal ?

Cinq après mes débuts, il arrive maintenant qu’on me reconnaisse dans les rues de Paris. C’est rare mais à chaque fois c’est comme un petit cadeau. Moins pour l’ego que pour le plaisir de ressentir qu’on a une place « marrante » dans la société. Un soir, boulevard Sébastopol, un gars m’a couru après, je pensais que c’était pour me draguer et je n’étais pas rassurée. Il me dit « Madame, madame, toi, vraiment tu me fais rigoler ! » Il m’avait vu sur Canal + dans Repérage. Et moi qui pensais qu’il voulait me violer ! 

Malgré tout, je suis prudente, tout cela reste très fragile : dans l’humour on prend vite la poussière, il faut sans cesse se réinventer. Ce qui est très paradoxal dans notre milieu c’est que l’on est des sensibles, on crée et on est à fleur de peau mais en même temps on s’expose à ce que la nature humaine a de plus cruelle : le jugement, la jalousie, etc. C’est pour ça que quelqu’un qui fait juste ce métier pour être aimé sera très malheureux parce qu’il n’aura jamais ce qu’il veut : ce qu’il veut n’existe pas. Il n’y a pas de gloire, il n’y a que des moments de gloire. »

MES PROJETS

« Mon métier peut avoir un côté « industriel » parfois quand je suis payée pour écrire des textes à la commande (comme sur les séries) mais cela permet de financer les choses plus personnelles. Il y a deux sortes de projets : ceux qui viennent de l’extérieur comme par exemple Shirley Souagnon qui m’a appelée hier pour me proposer de jouer dans sa carte blanche au théâtre Déjazet. C’est agréable, cela fait environ deux ans qu’on me propose régulièrement des choses et que la dynamique est confortable, j’ai beaucoup de chance. Et il y a aussi les projets qui viennent de l’intérieur, c’est-à-dire ceux que je vais moi-même me créer comme par exemple le spectacle que je suis en train d’écrire pour un comédien en qui je crois beaucoup. C’est du boulot, j’en suis à la moitié. J’ai vraiment hâte de le voir faire ses premières scènes ouvertes avec mes textes, ce sera une première pour moi.  Il y a eu aussi récemment ma pièce Un rôle pour deux actrices et demie. Et en plus de tout ça, ma récré c’est vraiment les tournages. J’ai joué dans  C’est la crise  d’Anne Roumanoff, en mai je tourne une nouvelle série que j’ai co-écrite pour HD1 et en juin un court-métrage avec et de  Frédéric Murarotto. C’est la deuxième fois que je travaille avec lui, j’aime vraiment beaucoup tout ce qui sort de sa tête.

Mais j’avoue que j’ai énormément travaillé ces trois dernières années et là même si j’ai des dates de programmées sur mon dernier spectacle et que je vais jouer dans le Jam’Girls Comedy avec Nawel Madani, Candiie et Anne-Sophie Girard dès le 7 juin puis au Jamel Comedy Club, je n’ai plus envie de m’imposer des grosses pressions. Cette année je m’offre de vraies vacances ! En ce moment, je pense à moi, je déménage. Je vais à Montreuil. Je bois du thé Kusmi et je fais les puces. Tout ça ajouté au yoga, je suis en train de devenir une abominable Bobo ! J’ai même adopté un vieux chat à une association. Moustache il s’appelle. Je suis un cliché.

Et tant qu’à faire pour pousser encore plus le cliché : l’écologie et la lutte contre la souffrance animale sont des sujets qui sont de plus en plus importants pour moi, je suis d’ailleurs végétarienne depuis un an et demi. A mon avis la notoriété ne devrait être prétexte qu’à servir une cause. Vraiment. Dommage par exemple que Marion Cotillard ait perdu ses attachements à Green Peace du jour où elle a eu son Oscar. Pour ma part c’est difficile parce que je suis humoriste et que les gens ont envie que je les fasse marrer. Ils ont tendance à se dire « Oh, c’est relou, elle a une cause ! » . Par exemple, j’ai twitté et parlé sur Facebook d’un massacre d’éléphants qui a eu lieu en mars et j’ai immédiatement perdu des amis virtuels et des followers donc je vois bien qu’il y a un blocage. Mais là j’ai un nouveau sketch sur le végétarisme qui marche pas mal, avec un peu de chance, je pourrai trouver un compromis. »

L’UNIVERS DE CHRISTINE EN IMAGES

J’ai été animatrice de croisière dans le Grand Nord (J’ai pris cette photo dans la baie de la Madeleine). J’adorais ça. On apprend beaucoup sur les bateaux au milieu d’un tas d’artistes (Chanteur, danseurs, magiciens…) et par 5 degrés dehors. C’était Disneyland tous les jours ! Si demain il le faut, j’y retourne sans hésiter. 

Avec mon amie Isabelle Goetz de la Peta, en pleine manifestation contre la fourrure. La plupart des gens ignore que les animaux sont dépecés vivants, je place l’information dès que je peux même si ça doit casser l’ambiance.

 

Virginia Woolf, c’est mon idole.  Un jour je suis allée visiter sa maison qui est restée en l’état depuis sa mort en 1941. Je ne crois pas en Dieu mais je crois aux pèlerinages.

 

Toute l’équipe d’On Achève bien l’Info en 2010. C’était la première fois que je gagnais ma vie avec des blagues.

Je ne suis pas peu fière de cet Instagram que j’ai pris de Bernard Werber en train de travailler. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup et à qui je dois beaucoup.

 

J’ai toujours les mêmes amis depuis mes débuts à Paris en 2008. On a galéré ensemble, on reste groupés. C’est important.

Le 3 juin prochain, grâce à mon amie Shirley Souagnon je jouerai au théâtre Dejazet. Je suis folle de joie : des scènes des « Enfants du paradis », mon film préféré, ont été tournées là-bas.

Oui, je suis une geek. Sans ma console de jeux, j’aurais écrit deux fois plus de livres, joué deux fois plus de spectacles…

 

Je suis fascinée par le passé. J’ai un deug d’histoire de l’art et archéologie, je voulais être Indianette Jones. Pour me consoler, je collectionne les vieux journaux des années 1880 aux années 40. Avec une préférence pour « Le Frou-frou » et « Le Petit Journal » dont je parle beaucoup dans mon dernier livre. Ce sont de vraies machines à remonter le temps et c’est plus pratique à ranger qu’une Delorean. Le problème c’est que cela commence à me coûter un peu cher…

 

Voilà, j’espère que cette première interview vous aura plu ! A très bientôt pour une nouvelle plongée dans l’univers d’un(e) passionné(e)…

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